S'éloigner de la chimie et de la manipulation du vivant .

Publié le par Giovanni Andy

Aujourd’hui c'est le Grenelle de l'environnement. Et demain nous saurons ce qui sortira de cette consultation.

Deux voies sont possibles pour l'agriculture de notre continent.
La première est bardée de certitudes scientifiques. Elle continue à foncer dans la technologie et le gigantisme. Elle propose de résoudre tous les problèmes qu'elle a créés en imaginant de nouvelles techniques toujours plus complexes. Les OGM sont alors la réponse idéale. C'est une agriculture de laboratoire, déshumanisée.

L'autre approche est plus humble. Elle reconnaît que la nature est infiniment plus complexe que ce que nous pensions. Elle appelle une nouvelle forme de connaissance scientifique qui prenne en compte les relations existantes entre les plantes, la terre, les animaux. Une réorientation de la recherche en agriculture est alors nécessaire pour comprendre des systèmes complexes et trouver des solutions innovantes adaptées aux défis de demain. Une évolution radicale vers une agriculture qui s'éloignera progressivement de la chimie et de la manipulation du vivant. Autour de moi, je rencontre un nombre croissant de jeunes scientifiques qui désirent explorer ces nouveaux espaces de recherche.

On ne peut garantir par une loi, comme cela est indiqué dans le documents de travail final du Grenelle de l’environnement, le «droit de produire avec ou sans OGM». Car, à terme, nous le savons à travers des exemples venus des États-Unis du Canada ou de l’Argentine, c'est la dictature des OGM qui s'imposera. Nous serons mis devant le fait accompli. Certaines libertés sont manichéennes, tranchées. Elles n’acceptent pas de demi-mesure. Elles ne sont pas consensuelles. Les OGM en font partie. Ce n’est pas possible d'avoir des champs OGM d'un côté et des champs biologiques de l'autre avec une frontière invisible et hermétique entre les deux ! Aux États-Unis, la récolte de riz a été polluée dans deux Etats par des essais transgéniques. Ce sont des millions de tonnes qui sont contaminées. Et personne n'est responsable. Ce n’est pas possible d'avoir des industries alimentaires qui produisent sans OGM ici, et les mêmes qui produisent  avec des OGM, là, le tout bien cloisonné. Sur cette question, les décideurs politiques doivent trancher.

Jean-Louis Borloo est d'ailleurs parfaitement conscient qu’on ne peut pas maîtriser les disséminations d'OGM. C’est pourquoi je lui demande de garantir dans la loi la possibilité de produire sans OGM. Cela passe très concrètement par la mise en place d'un seuil de détection des pollutions génétiques réaliste, entre 0,01 et 0,1 %. Ceci permettra aux paysans dont les cultures auront été polluées et déclassées d'obtenir des réparations pour les préjudices subis. Aujourd'hui, les compagnies d'assurance refusent de prendre en compte ce type de risques. Je demande au ministre de l’Ecologie d’être très clair sur ce point. Le principe de pollueur-payeur doit être appliqué. Un fond d’indemnisation doit être mis en place, qui sera alimenté par un prélèvement obligatoire sur l'ensemble de la filière OGM. Les parcelles sur lesquelles seront cultivés des OGM devront êtres identifiées.

Dès la fin de la semaine, nous évaluerons les premiers résultats concrets qui sortiront de ce Grenelle. Au cours des dix dernières années, nous nous sommes fortement mobilisés pour empêcher la politique du «fait accompli». 
C’est pourquoi, avant de légiférer, la France doit mettre en place un moratoire sur les cultures et les essais en plein air, c’est-à-dire faire jouer la clause de sauvegarde prévue par la Directive 2001/18 qui permet de protéger les différentes pratiques agricoles et la biodiversité.

• José Bové •

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