La réquisition porte-t-elle atteinte au Droit de Grève ?

Publié le par L'Espoir à Gauche 73

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis plusieurs jours, la tension est montée d'un cran dans le conflit social contre la réforme des retraites.

Les salariés de l'entreprise TOTAL de Grandpuits qui bloquent l'accès à la raffinerie, dénoncent la réquisition de certains des grévistes, décision relevant des Préfectures représentantes de l'Etat au niveau des Collectivités Territoriales.

 

Le problème qui se pose est celui de savoir si une telle mesure est susceptible de porter atteinte à un droit reconnu constitutionnellement en France : le droit de grève.

 

L'Article 7 du Préambule de la Constitution de 1946 stipule que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Le Préambule de la Constitution de 1946 fait partie intégrante du "bloc de constitutionnalité" qui comprend outre la Constitution de 1958 actuellement en vigueur, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, les Principes Fondamentaux reconnus par les Lois de la République et enfin depuis 2004, la Charte de l'Environnement.

 

Le droit de grève est donc un droit sacré sur le sol français mais est aussi doublé d'une reconnaissance internationale. En effet, l'Article 8 du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels édicte le fait que "les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer [...] d) le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays [...]". Au niveau européen, l'Article 28 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne énonce que "les travailleurs [...] ont, conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales, le droit [...] de recourir, en cas de conflits d'intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève".

 

 

La grève requiert toutefois trois conditions :

 

- un arrêt total du travail,

- une concertation des salariés,

- une ou des revendication(s) professionnelle(s).

Dans le cas des salariés de l'entreprise TOTAL, ces trois conditions sont pleinement remplies.

 

Reste maintenant à savoir dans quelle mesure, la réquisition peut intervenir.

 

Le droit français est très strict dans ce domaine et énonce clairement dans l'Article L2215-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qu'en "cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou

plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées".

 

Il faut donc qu'il y est "atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques". Dans le cas présent, les salariés bloquent un site industriel appartenant à une multinationale (droit privé), en l'occurrence TOTAL.

 

Il faut ensuite un "arrêté motivé" afin de "réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service". Les salariés de la raffinerie de Grandpuits et leurs avocats pointent un manque de motivation de la part du Préfet de Seine-et-Marne.

En effet, une réquisition est en principe décidée en cas de nécessité absolue ou de menace pour les besoins essentiels de la Nation. Ce qui veut dire en clair, priorité aux véhicules de secours et d'assistance. Une réquisition est donc généralement mise en oeuvre pour les besoins de santé publique.

 

Ici, les salariés grévistes ont toujours déclaré qu'ils n'empêcheraient pas l'alimentation des "hôpitaux, [et des] services publics, mais [qu'il était] hors de question de lever le barrage pour alimenter les stations-services de Total dans un but lucratif".

 

A la suite de ces arrêtés de réquisitions, les salariés avaient annoncé la saisie d'un juge des référés, qui en vertu de l'Article L521-2 du Code de Justice Administrative, "peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures".

 

Kévin Bernardi

 


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